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Justice pour Kalinka


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Deuxième journée d’audience
Krombach « apte à comparaitre »

Les doutes de la mère de Kalinka lancent le procès
Toutes les réserves pouvant ralentir la procédure ont été balayées. La Cour est entrée sans attendre dans l’examen des faits.

Avant de devenir l’ex-Madame Krombach, Danielle Gonnin fut l’ex-Madame Bamberski et, à ce titre, la mère de Kalinka et de Nicolas. Elle est venue hier à la barre, dès après que la Cour ait entendu les médecins experts venus assurer que les ennuis cardiaques de l’accusé Dieter Krombach étaient maintenant résolus, et que le procès pouvait se poursuivre.

Un sommeil anormal
Vêtue d’une chemise crème et d’un pantalon noir, sa chevelure blonde nouée en chignon, Danielle Gonnin est apparue chétive et hésitante. Pour autant, au regard de sa timidité, son propos est apparu assez ferme. Il tient en vingt-neuf ans de réflexion et quelques mots : elle se demande si, la veille de la mort de Kalinka, Dieter Krombach ne lui a pas administré un somnifère. « J’ai trop dormi cette nuit-là. Je me suis couchée à 22 h 30 environ, et on a dû me réveiller entre 8 h 30 et 9 h 30, le lendemain. Tant de sommeil, ce n’est pas normal ». Un sommeil bien lourd aussi. Elle n’a d’abord pas vu ce que le docteur Krombach a fait de sa soirée, il serait pourtant entré dans la chambre conjugale en y allumant la lumière pour travailler. Il se serait ensuite levé vers minuit, « pour boire ». Elle n’a rien entendu et pas davantage, vers 7 heures quand celui qui dormait à ses côtés s’est –selon ses dires- habillé pour aller au club équestre.
« Je me demande ce qui a bien pu se passer », s’interroge-t-elle aujourd’hui ; même si elle reconnait « dormir de façon profonde », elle en revient à sa perplexité : « Ce n’est pas normal ». « Mais avez-vous une idée ? », l’interroge la présidente. « Je suis là pour comprendre », répond-t-elle.

Des somnifères et un cauchemar
Elle semble vaciller encore à l’évocation de l’entretien qu’elle a eu, en 2010, avec un magistrat instructeur. Ce jour-là, Danielle Gonnin apprend que Dieter Krombach aurait usé de sédatifs pour hâter son coucher, et disposer ensuite de toute la tranquillité nécessaire pour recevoir, dans le salon, une de ses maîtresses. L’univers qu’elle s’était construit pendant vingt-huit ans, bascule et fait encore tanguer ses certitudes.
« Les accusations que portait Monsieur Bamberski ont eu d’abord pour effet de me rapprocher de mon mari. En fait, ce que disait Bamberski m’apparaissait horrible, et de nature à salir la mémoire de ma fille ». En termes clairs, la mère de Kalinka semble avoir trouvé le pourquoi de son déni : elle refusait l’idée que sa fille ait pu être la victime d’un crime sexuel. Ainsi déstabilisée, c’est l’horizon tout entier qui a bougé. Elle l’a dit à la Cour, avec ses mots, et désormais l’idée que Kalinka ait pu mourir « étouffée par son vomi », ne la satisfait plus tout à fait. « Je veux la vérité », plaide-t-elle encore à l’adresse de Krombach tassé dans son box, qui doit maintenant comprendre que si son ex-femme lui demande des explications, c’est parce qu’elle le croit en mesure d’en fournir.
La défense a laissé passer ce témoin dont la fragilité n’est désormais qu’apparente. Danielle Gonnin semble sortir du cauchemar dans lequel elle a plongé au matin du 10 juillet 1982, et voudrait enfin comprendre les vraies raisons de ce si long sommeil. Peut-être le témoignage de son fils, Nicolas, l’aidera-t-il en ce sens.

Pourquoi Dieter n’a pas cherché ?
La mère a laissé place au fils à la barre des témoins. Nicolas Bamberski, le frère cadet de Kalinka a fait quasi irruption dans le prétoire. Sa voix est d’abord ferme et son propos carré. Il tressaille et peine à se ressaisir quand il évoque « la joie de vivre de Kalinka, qui était belle », mais l’enjeu est ailleurs et il le sait. Il l’expose sans frémir : « Je suis revenu de la thèse de la mort inexplicable. Les éléments qui me sont parvenus confortent mes doutes, car il n’est pas possible de ne pas avoir de doutes sur la mort de ma sœur ».
- « A partir de quand, pour vous s’installe le doute ? », questionne la présidente.
- « Les piqûres, j’ai d’abord pensé à un accident médical, mais j’avais malgré tout confiance en lui. Mais, en 1995, quand il refusé de se rendre au procès en France, et en 1997 quand il a eu des démêlées avec la Justice allemande pour une jeune fille (1), je me suis posé beaucoup de questions ».
Nicolas Bamberski ne s’en tient pas qu’à ses constats. Il pose une problématique qui vaut certes pour la Cour, mais aussi pour l’accusé : « Pourquoi Dieter, en tant que médecin, s’est contenté d’une mort inexpliquée et n’a pas cherché à savoir ? Moi, je ne l’ai jamais vu faire d’effort pour trouver une explication ».

A.J-K


Krombach « en meilleure santé qu’en mars »

Les médecins experts qui l’ont examiné préalablement au procès, ont affirmé que Dieter Krombach avait, certes, des antécédents cardiaque et souffrait de pathologies chroniques mais « rien qui ne puisse l’empêcher de comparaître ».
Colopathie (troubles intestinaux Ndlr), et un cœur fragile constituent ses principales préoccupations de santé. Côté digestif, les médecins ne diagnostiquent aucun risque imminent, et en ce qui concerne le cœur, ils font valoir qu’un ancien infarctus daté de 1997, n’a laissé aucune séquelle, et que la pose de cinq Stent (une bague qui permet d’élargir ses artères Ndlr) n’obère en rien sa disponibilité, ni intellectuelle, ni physique, pour suivre les débats.
La présidente, comme elle s’y est engagée, respecte une pause toutes les deux heures, et lève l’audience à l’heure du déjeuner. Mercredi prochain « une demi-journée de repos » est prévue, et il n’y aura pas de débats dans la matinée.


Un endroit neutre
Le procès de Dieter Krombach se déroule non plus dans la Grande Salle, mais dans la troisième salle de la Cour d’Assises de Paris. Le cadre y perd en solennité, mais les débats y gagnent en clarté.
Point de dorures, plus de velours sur les sièges ni de fresques aux murs. La salle, récemment rénovée, est d’un design certes passe-partout avec, du sol au plafond, du bois façon Ikéa administratif (tons clairs, découpes anguleuses et vitres polies), mais l’esthétique n’est pas la préoccupation essentielle de ceux qui se trouvent dans l’obligation de se rendre dans cette salle.
En revanche, les équipements sont modernes, tant en ce qui concerne l’éclairage que la sonorisation, les protagonistes et acteurs trouvent un confort tout à fait appréciable, qui faisait défaut en avril.

(1) En 1997, Dieter Krombach a été condamné en Allemagne pour le viol d’une adolescente.


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