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Justice pour Kalinka


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Sixième journée d’audience
La lumière épaissit les ombres

Le témoin-boomerang de la défense du docteur Krombach
Si le doute doit profiter à l’accusé, il est parfois des situations où il l’accable.

Quels lourds secrets cache l’homme assis dans le box ? Face à un dossier en quête de preuves, il aurait pu jouer l’oubli et faire excuser ses imprécisions. Las, à trop jeter la confusion, Dieter Krombach fait émerger des évidences : il ne dit pas tout. Ses affirmations sont contredites par des dépositions pourtant discutables, alors que ses approximations viennent heurter de plein fouet des évidences qui surgissent là où on ne les attendait plus.

Une prudence irresponsable
Pour remédier à la défection de certains témoins, il est convenu depuis lundi que la Présidente Xavière Siméoni lira les dépositions des absents, effectuées devant les services de police ou les autorités judiciaires.
C’était hier au tour des analyses médico-légales, vues au-travers du prisme de ceux qui les ont effectuées ou ceux qui se sont penchés sur les rapports des docteurs Homann et Dohman, sortes de DuponD-DuponT de l’expertise, transportés dans une version judiciaire de l’Arlésienne.
C’est donc sans eux qu’on effeuille un rapport d’autopsie comme savent en rendre les spécialistes de l’incertitude. A grands coup de « il semblerait » et « il est possible », la Cour s’achemine vers l’impasse quand, soudain, surgissent quelques remarques d’une savante ambigüité. « Une déchirure post-mortem de la partie extérieure du sexe (…) des liquides blanchâtres et gris à l’intérieur », mais, nous dit-on « ils n’ont pû être analysés ». Pourquoi ? Les docteurs Homann et Dohman ne le disent pas. Mais la suspicion est là. En revanche, sur des terrains moins mouvants, ils s’engagent : ils trouvent « grotesques » et « déconcertantes », les manœuvres tentées par l’accusé pour essayer de ranimer Kalinka, la jeune victime. Certes. Et alors ? Krombach le dit : « j’étais paniqué, prêt à faire n’importe quoi ». Il l’a fait. Mais ceci n’éclaire pas le vrai sujet qui reste tout de même les causes et circonstances de la mort de Kalinka.
Dieter Krombach va aller tout seul vers le précipice que les introuvables Homann et Dohman avaient pourtant balisé. Il explique que jamais, lui, le beau-père aimant de la jeune défunte n’aurait supporté « la voir découpée sur une table d’autopsie ». S’il s’est rendu ce matin-là à l’hôpital où se pratiquait l’examen, trois jours après la mort de Kalinka, c’était « sur l’insistance expresse de Monsieur Bamberski ».

Aspiré dans son propre siphon
Le docteur Krombach le sait : on l’a vu en présence des médecins légistes. Il s’explique : « j’ai attendu dans le couloir ».
On ne lui reprochera pas d’avoir travaillé le dossier pour mieux le contourner. En effet, plusieurs contre-expertises ont eu lieu, zigzagants elles aussi entre le « il est envisageable » et « on ne saurait exclure ». Cependant, c’est en creux qu’apparaissent les failles : Krombach prétend « tout dire » à ses collègues. Pour les aider, bien sûr : Kalinka a eu un traumatisme crânien en 1974, elle a reçu une piqûre de fer la veille de sa mort. Elle a même bu un verre d’eau pendant la nuit. En revanche, systématiquement il oublie de préciser qu’elle a pris du Frisium, un somnifère. Pourquoi ? Pas de réponse, mais le doute. Encore.
On a vu des funambules capables de relier deux gratte-ciel sur un fil, de traverser les chutes du Niagara dans le même équipage… et se casser une jambe en montant sur un tabouret pour changer une ampoule. C’est un peu ce qui parait arriver à Dieter Krombach, déséquilibré par son souci de bien faire, d’en dire plus qu’on ne lui en demande.
Le coup, hier est arrivé là où on ne l’attendait pas. Le laborantin, « le simple balayeur qui sert à ranger les ordures », comme le dit aimablement Krombach geste de dédain à l’appui. Interrogé en 2010, par téléphone, Monsieur Friess explique qu’il se souvient de pas grand’chose sinon que « le docteur Krombach voulait assister de toute force à l’autopsie. Le docteur Homann s’y est opposé. Monsieur Krombach insistait tant que le docteur Homann a menacé d’appeler la police ».
Et tout à coup, ce petit bout de phrase vient faire mal. Très mal à l’homme dans le box, celui qui s’est rendu à l’hôpital « sur l’insistance de Monsieur Bamberski » et, jamais au grand jamais n’aurait voulu voir sa belle-fille « découpée en morceaux ».

Le mauvais bout du râteau
Enfin, au terme de cette journée de naufrage, arrive un témoin cité par la défense de Dieter Krombach, attendu comme une bouée salvatrice en fin d’audience.
Voilà donc l’inspecteur principal Kurt Kraus, 52 ans. Ce n’est pas Serpico avec blouson de cuir, barbe de trois jours et fiole de whisky dans la bagnole. Lui, il est adjoint au chef de police dans une ville de 25.000 habitants. C’est plutôt Derrick restylisé pour Plus belle la vie après un régime Dukan. Sous sa coupe de cheveux d’un élégant calcul, on sent l’homme qui dégaine plus souvent le peigne que le calibre.
L’inspecteur Kurt Kraus n’a donc rien d’un homme méchant. Mais c’est un curieux. Il prend son poste en 2002 à Lindau et, forcément, il entend parler de Dieter Krombach. Il vient d’ailleurs à sa demande. Mais un flic est un flic, même dans une ville de 25.000 habitants. Il a fouillé et retrouvé un dossier. Rien de bien méchant. Juste une espèce de curriculum vitae.
Comme il est venu et qu’il n’avait d’ailleurs pas grand-chose à dire, il parle. Il raconte ce qu’il a trouvé : « des vieux dossiers ». Il ne le fait pas méchamment. Il dit qu’il a « appris (…) que Monsieur Krombach avait eu des ennuis ». « Une jeune fille qui avait subi une agression sexuelle dans son cabinet (…) le docteur a été condamné en 1997 », et Kurt Kraus a resorti le dossier. Pour voir.
Il y a découvert, expose-t-il benoîtement « un rapport pour un complément de procédure (…) dans lequel figure une liste de cas suspects dans lesquels Monsieur Krombach a été incriminé ». Et d’égrener une liste de sept affaires à caractère sexuel, la plupart prescrites certes, dont on ne saura sans doute jamais rien. Mais là n’est plus le propos : cette litanie vient plomber, définitivement, la journée de calvaire vécue par la défense.
Si l’on cherche encore ce qui a pu se passer la nuit où Kalinka Bamberski est décédée, il est patent qu’on pourra chercher toujours. En revanche, l’association catastrophique de cette série d’agressions sexuelles qui hantent le dossier du Docteur Krombach à Lindau fait le plus mauvais effet au sortir de huit heures de contradictions, d’approximations, et parfois de faux-fuyants. La défense aura beau dire que « ce dossier il le faut ». Il est trop tard. Pendant plusieurs décennies l’Allemagne l’a caché. Il ne figurera pas aux débats. Mais son effet dévastateur a chaviré la salle.
Nul ne sait ce que le Docteur Krombach a fait ou pas dans la nuit du 9 au 10 septembre 1982. Il est clair désormais qu’il n’a pas tout dit et qu’il ne veut sans doute pas tout dire. Pourtant, au bout du compte, d’un point de vue rationnel cette journée n’a pas apporté d’éclairage évident sur les faits ; mais les quelques lueurs qui l’ont constellée ont en revanche bien épaissi la part d’ombre qui habite l’homme qui est dans le box.

A.J-K


Boris Krombach : « je ne comprends pas »

Boris Krombach, le frère de Diana, que l’accusé a eu avec sa première épouse a pris place à la barre hier en milieu d’après-midi. Grand, costaud, cet homme élégant aujourd’hui âgé de 45 ans, est venu dire qu’il ne comprenait pas « la traque » dont son père est l’objet.
Il rappelle qu’à la maison « tous les enfants étaient traités sur le même pied d’égalité ». Il ne dit pas Kalinka, il dit « ma sœur », il parle de sa mort comme d’une « catastrophe ».
Sa vie sans doute s’est brisée le matin où il a appris la nouvelle. Il a volontiers voulu croire que, même avec douleur, la paix pourrait revenir un jour et effacer un peu « cette journée abominable ». Mais, il en est sûr « le désespoir de Monsieur Bamberski s’est transformé en haine et cette histoire est devenue folle ».
Boris Krombach a une certitude : son père est innocent : « Jamais il n’aurait pu toucher à sa fille ».


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