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Septième journée d’audience
Faux semblants et faux fuyants

La défense de Krombach aux abois
Au terme d’une journée ennuyeuse et sans grand apport, la défense de Dieter Krombach a joué l’esquive sur un coup de théâtre.

« Il faut suspendre ce procès, le temps que nous nous rendions en Allemagne. Deux jours, deux petits jours pour y récupérer toutes les pièces à conviction que nous pourrons » : c’est Me. Yves Levano, un des avocats de l’accusé Dieter Krombach qui vient de se lever pour jouer les ludions. L’affaire ne serait pas si tragique, cette sortie prêterait presque à sourire. En somme, Me. Levano prétend faire en deux jours ce que la justice allemande n’est pas parvenu à accomplir en presque trente ans d’enquête.

Demi-journée ennuyeuse
Pour l’accusé et ses conseils, l’audience a repris hier sur une gueule de bois. La veille, l’accusé était parti ligoté au cœur d’une toile d’araignée qu’il avait lui-même tissée à force de contradictions et de dérobades (1).
Pourtant, les débats n’ont été entamés qu’à 14 heures, l’accusé ayant bénéficié d’une « matinée thérapeutique » pour se reposer. C’est donc sur le ronron de la sieste qu’a été lue la déposition d’un collègue du Docteur Krombach. Sans grand intérêt, sinon de confirmer les légèretés que le docteur Krombach prenait avec l’administration de fer par piqûres.
Après le goûter, on a également eu droit à une magistrate Allemande, Suzanne Friedrich, qui se présente comme « agent de liaison judiciaire ». On aura ici du mal à définir son travail car elle est venu dire… qu’elle n’avait pas le droit de parler !
Aimable, polie, ne se dérobant pas à son devoir, elle explique sans se départir de sa courtoisie : « Le ministère de la Justice de mon pays m’a interdit d’évoquer les actes auxquels je n’ai pas participé ». La présidente Xavière Siméoni prend acte et interroge : « Dites nous alors ce que vous avez fait ». « Rien », répond l’exquise Suzanne Friedrich.
C’était un témoin cité par la défense. Pour prouver quoi ? On ne le saura pas. A moins qu’elle n’ait voulu illustrer par l’exemple la « coopération » que propose l’Allemagne dans ce dossier.

L’adjudant réveille la défense
On a ensuite entendu un gendarme, aux compétences internationales, chargé d’une commission rogatoire que lui a confiée la juge Eliane Jolivet, qui a repris l’instruction depuis la France en 2009. Devant la Cour, l’adjudant-chef Dubois explique ses missions. En gros : se rendre en Allemagne, retrouver des pièces à conviction et les porter au dossier, contacter des témoins et recueillir leur déposition.
Forcément, depuis la nuit du 9 au 10 juillet 1982, date de la mort de Kalinka Bamberski, les indices ont pour la plupart disparus, et les témoins se sont pour certains évanouis sans laisser de trace voire, d’autres sont décédés. C’est ainsi que le fruit du travail des enquêteurs est apparu en-deçà des exigences de la juge.
Pour les avocats de la défense, voilà enfin le petit bout de perche. Au terme de longues heures qui laissaient entrevoir un naufrage, les avocats du docteur Krombach ne peuvent laisser passer « ce travail non exécuté qui porte préjudice à l’accusé ». Et de sortir dans la foulée, les mots du dimanche : « la vérité, l’équité, le respect… » pour conclure in fine qu’il était urgent que la Cour se retrousse les manches, prenne un billet de train comme un seul homme, « même moi, si vous voulez, j’y vais », ira jusqu’à clamer Me. Yves Levano, et se rende à Lindau (ville où à eu lieu le drame), à Kempten (où siège le parquet) et à Menningen (où a eu lieu l’autospie). Tout ceci pour faire en deux jours ce que les enquêteurs Français n’ont pas réussi à faire pendant leurs huit mois d’enquête en 2010, et rassembler ce que la justice allemande n’est pas parvenue à collecter en trois décennies.

La défense dans l’impasse
On frise la pantalonnade. Par bonheur, personne ne s’y laisse prendre. Les parties civiles choisissent de répondre comme si la demande était sérieuse. Le coup d’éclat n’aura pas lieu, était-ce l’effet recherché ?
La présidente en rajoute même : « voulez-vous que nous suspendions l’audience pour que vous puissiez vous reposer jusqu’à lundi ? », demande-t-elle au Docteur Krombach. Visiblement désarçonné, l’intéressé cherche du regard ses avocats qui n’avaient pas prévu cette surenchère. Faute de parvenir à comprendre ce qu’ils attendaient de lui, il balbutie un « ça va, ça va », chargé de suffisamment de pathos pour laisser entendre qu’il est très fatigué et que dans le même temps le procès peut se poursuivre.
Il se poursuivra donc ce matin avec l’arrivée à la barre de témoins très attendus : les jeunes femmes qui ont déposé des plaintes contre le Docteur Krombach, pour des agressions à caractère sexuel. Dire que cette perspective est de nature à inquiéter l’accusé et ses avocats n’est sans doute pas une métaphore.
En revanche, il serait malhonnête d’assurer que cet incident d’audience a pu être provoqué pour repousser une échéance qui menace de laminer la défense. Malhonnête de l’assurer, certes, mais pas interdit de le penser. Comme il n’est pas interdit de rappeler qu’en avril dernier, c’est à la veille de l’évocation de ses frasques sexuelles que le docteur Krombach avait eu ce malaise cardiaque qui avait exigé le renvoi du procès.

A.J-K


Calmes, mais fermes

Les avocats des parties civiles ont réagi avec calme à l’incident d’audience provoqué par les avocats de Dieter Krombach, qui veulent que la Cour se rende en Allemagne. Pour André Bamberski, Me. François Gibault a rappelé que « toutes les démarches entreprises auprès de l’accusé se sont soldées par son refus de s’expliquer », et qu’il est dès lors inutile d’aller chercher ce qu’il a refusé de fournir ; Me. De Caunes pour sa part a souligné que « depuis 1984 le docteur Krombach a largement eu le temps de préparer sa défense, qu’il ne vienne pas dire aujourd’hui qu’on le prive de moyens. Ceci n’est pas sérieux, on est dans l’artifice, et plus on approche des faits, plus on approche de la panique ».
Me. Alexandre Parra-Bruguière, pour Danielle Gonnin, prend le problème à contrepied : « vous ne voulez pas gagner du temps, vous voulez nous en faire perdre. Cette situation devient insupportable ».
Le Procureur le suit sur cette « voie » : « la défense veut sauter dans un train pour l’Allemagne, elle en a déjà un de retard dans ce dossier ».
« Nous ne sommes pas de mauvaise foi », a assuré Me. Philippe Ohayon, le second avocat de l’accusé: « le repos du docteur Krombach , ce n’est pas un luxe, mais un devoir ».
Comprenant enfin ce qui se jouait, Krombach se lève et assure : « je ne sais pas si je pourrai tenir une semaine entière. Je crains que mon cœur lâche ».

(1) Voir le compte-rendu de la sixième journée du procès


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