Une matinée protocolaire, des débats laprès-midi
Le procès de Dieter Krombach souvre ce matin devant la cours dassises de Paris.
Initialement prévus pour se tenir dans la « deuxième salle », les débats se dérouleront sous les ors et pompes de la Grande Salle de la cour dassises, tant laffluence attendue a obligé les magistrats du parquet général à reprogrammer in-extremis leur plan daudience initial.
Pas moins de soixante-huit journalistes sont accrédités auxquels il faut ajouter, pour certains, cameramen et preneurs de son, ce qui porte les professionnels des médias à environ quatre-vingts. Si lon ajoute à ce calcul sommaire la présence des familles, des soutiens, et bien sûr des avocats qui se déplacent parfois bardés dassistants et de stagiaires, le public aurait eu du mal à trouver sa place dans une « deuxième salle » qualifiée ici d ordinaire, même si elle dépasse largement les capacités dun prétoire du format de celui de Toulouse.
Un protocole strict mais soumis au hasard
Hier matin, la seconde salle était tout entière occupée par le tirage au sort des jurés de la session en cours, parmi lesquels se trouvent forcément ceux qui siègeront au procès de Dieter Krombach. En termes pratiques, cela signifie que les jurés ainsi désignés ont été « répartis » sur lun ou lautre des procès en instance. Rappelons ici que les jurés choisis au hasard sur les listes électorales, et que la justice prévoit toujours large. Toutefois, les seuls motifs de défection que la justice admet concernent létat de santé, le dépassement du seuil des 70 ans, et un lien de parenté ou de subordination avec lune des parties en cause. Ainsi, sur les deux cents citoyens convoqués hier, quarante-deux seront « affectés » pour le procès Krombach, quarante-deux autres sur un second procès etc
Les quarante-deux jurés ainsi sélectionnés par le hasard, sont expressément attendus demain, où ils devront attendre les résultats dun second tirage au sort. Celui-là sera effectué par la présidente de la cour dassises. Neuf jurés, dont les noms sont portés sur un bout de papier sortiront dune urne pour composer le jury, la cour dira combien il doit y avoir de jurés supplémentaires, lesquels seront retenus pour assister aux audiences sur les bancs du jury, mais ne participeront aux délibérations quen cas de défection dun membre du jury (pour cause de santé ou de problème majeur).
Les récusations ou le début de la dramaturgie
Ce second tirage au sort, plus courtoisement désigné sous le terme de « composition du jury » par les magistrats, répond à un double hasard : outre la main du juge qui pioche les petits bouts de papier sur lesquels sont inscrits les noms, laléa peut encore surprendre le citoyen sorti de lurne : la récusation. Cest une forme darbitraire tout à fait consenti par le droit : les avocats et le parquet ont droit dempêcher un juré de sasseoir sur le banc du jury. Et ce, pour un motif qui nappartient quà eux, et dont ils nont pas à se justifier. Les avocats de la défense peuvent récuser cinq jurés, le ministère public, quatre.
Les motifs de récusation sont assez abscons. Certains les avouent, dautre pas. Cela peut aller de « une tête qui ne revient pas », au simple préjugé. Car avocats et ministère public disposent dune liste qui précise la profession du juré tiré au sort. Ainsi, et par exemple, dans le cas dun procès où il serait question dun cambrioleur abattu par le gérant dun établissement, les avocats prendront soin déluder du jury les commerçants appelés à siéger. Encore une fois, à tort ou à raison, car dans cette phase encore, cest le hasard qui commande.
Plus subtilement, lorganisation des récusations participe parfois dun jeu plus matois entre la défense et le parquet. Un peu comme sils se toisaient dès cette étape. Par exemple, si le procureur ou lavocat croit lire un soupçon de satisfaction sur le visage de son adversaire en voyant arriver tel juré lautre peut se piquer de le refuser pour lui porter un peu de contrariété. Cest le ton, et la façon avec laquelle sont assénées les récusations qui signalent ou pas- lengagement dun procès et peuvent donner des indices quant à létat desprit des forces en présence.
Lecture, et début des joutes
Passée cette étape, qui retiendra sans doute laudience une bonne partie de la matinée, le protocole prévoit ensuite, sur demande du président, la lecture à haute voix de lordonnance de mise en accusation, qui comporte à la fois un exposé des faits et les arguments par lesquels le parquet (laccusation, donc) sest convaincu, et justifie la nécessité du procès. Il est dusage de confier cette lecture au greffier qui est dailleurs bien souvent une greffière.
Cette étape, sans nul doute prendra un certain temps. Non que la vitesse de diction du préposé y soit pour quelque chose, mais plus sûrement le volume des arguments développés. Pour mémoire, signalons ici à titre dexemple que, pour le procès AZF, lordonnance de mise en accusation alignait près de trois cents pages et avait exigé la présence de trois greffiers qui sétaient relayés cinq heures durant !
Pour le procès qui nous retient ici, une heure devrait suffire, qui devrait cependant nous mener aux portes de la première suspension daudience.
Ce nest quaprès que les débats commencent : par une question du président ; soit à laccusé, soit aux avocats ou au parquet. Le président est libre dorganiser laudience à sa guise, lordonnancement des débats relève de son pouvoir discrétionnaire. Quelle que soit loption choisie, il y a fort à parier que les premières prises de parole donneront sans trop tarder le ton des deux semaines à venir.
A.J-K
Etre juré : quelques conditions préalables :
- être âgé d'au moins 23 ans à la date d'effet.
- être inscrit sur les listes électorales.
- savoir lire et écrire le français.
- n'avoir jamais été condamné à une peine de prison supérieure à 6 mois.
- ne pas exercer les fonctions de ministre, préfet, militaire en activité.
- ne pas avoir déjà rempli cette fonction au cours des cinq dernières années.
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La Présidente du tribunal
Xavière Simeoni : férocement discrète
Anciennement greffière, elle est entrée en magistrature en 1984. Elle a effectué une grande partie de sa carrière en tant que juge dinstruction aux affaires générales, avant dintégrer le pôle financier en 1999. Elle a été désignée à la cour dassises en 2010.
Derrière le curriculum vitae, il y a bien sûr la femme. Décrite comme « travailleuse avant tout », elle fait figure de personnage discret, ce quil ne faut surtout pas confondre avec pâle, car elle est au moins aussi modeste quopiniâtre. Comprenez : elle ne convoque jamais la presse, mais elle ne lâche rien.
Si nom a émergé du lot commun des magistrats instructeurs, cest parce que depuis son poste au pôle financier, elle a traité nombre affaires ayant eu un certain retentissement médiatique. La mise en examen du PDG de Total pour corruption présumée en Iran, cest elle. Laffaire des délits dinitiés suspectés au sein dEADS, cest elle encore. Mais surtout, cest Xavière Siméoni qui sest attaquée au « système Chirac » : marchés présumés frauduleux au sein de la mairie de Paris et soupçons demplois fictifs pour le compte du RPR, qui a abouti à la convocation de lancien président de la République devant le tribunal correctionnel. Encore une fois, cest elle qui a signé.
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