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Justice pour Kalinka


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Dixième journée d’audience
Des débats calmes, mais sans apaisement

La douleur des parents de Kalinka
André Bamberski a été invité hier à parler de sa fille et à présenter sa version des faits ; il a déclenché une riposte de son ex-épouse.

« J’ai la certitude que Krombach a tué ma fille » : hier matin, André Bamberski ne s’est pas embarrassé de diplomatie pour entamer sa déposition. Il avait été invité à s’exprimer devant la Cour, qui a souhaité entendre tous les protagonistes de ce procès. En tant que partie civile, d’une part, et d’autre part n’ayant jamais fait mystère de ses convictions, le tribunal n’a sans doute guère été surpris d’entendre un témoignage à charge. En revanche, Danielle Gonnin, son ex-épouse a tenu à faire quelques mises au point.

Le cap et la confusion
Dire qu’André Bamberski attendait ce moment, relève de la litote. La présidente Xavière Siméoni n’a pas eu lui à répéter son invitation à la barre. Chemise blanche, pantalon beige et cheveux neige, le père de Kalinka s’est présenté, bardé de notes et de documents divers… dont il n’a d’ailleurs guère fait usage.
Il connait le dossier mieux que personne, ce qui constitue parfois un appui précieux, mais peut également se révéler fastidieux. Il est vrai que trente ans de silence forcé, de non-dits obligés, d’espoirs étouffés et d’issues ajournées, peuvent autant forger un moral de vainqueur que d’envies de tout dire au risque de trop dire.
Fort heureusement, s’il s’égare parfois sur des détails, André Bamberski ne se perd pas sur la voie qu’il s’est tracée. Son cap est clair : « Krombach est un prédateur, après avoir abusé d’elle, il a tué ma fille pour qu’elle ne parle pas ». Il s’emploie alors à réunir les arguments qui vont étayer sa thèse. Cependant, André Bamberski s’appuie sur le dossier dont on sait aujourd’hui qu’il est incomplet. Or, c’est ce dossier qui a fondé sa conviction, et la démonstration qu’il conduit vient parfois heurter ce que l’audience a éclairé d’un jour nouveau.
Fort heureusement, André Bamberski s’est montré plus pertinent quand il a abordé le dossier sous forme de questions (« Pourquoi le docteur Krombach a-t-il caché les différentes substances qu’il dit avoir administrées à Kalinka pour la réanimer ? Pourquoi le scénario qu’il livre aujourd’hui ne cadre pas avec ses premières déclarations ? »), ou en pointant les incohérences entre son témoignage et les différents constats (« Il dit avoir bougé le corps avec sa fille, mais cela est en contradiction avec tous les constats ; entre 7 h 30 du matin, heure de son réveil, et 10 heures, l’arrivée du médecin, il y a un trou qu’il n’explique pas »).
Quand l’avocat de la défense de Krombach pointe quelques contradictions dans son discours, André Bamberski rétorque : « Vous aurez tout loisir de prouver ce que vous dites. En attendant, si je n’avais pas pris le risque et assumé les conséquences de l’enlèvement, nous ne serions pas ici ». En termes clairs : pensez ce que vous voulez de ce que je dis et, montrez-nous votre innocence.

A.J-K


Pour les psychiatres Krombach est « un séducteur pervers »

En fin d’audience, le professeur Daniel Zagury est attendu à la barre. Il est l’auteur, avec son homologue Michel Dubecq, du rapport psychiatrique qui évalue Dieter Krombach. Les deux hommes sont des sommités incontestées de la psychiatrie judiciaire, leur avis apparait difficilement contestable. Pour eux, le docteur Krombach « annule tous les doutes qu’il exprime, son discours est un ensemble d’assertions définitives qui ne provoquent aucun conflit interne : tout ce qui lui arrive vient de l’extérieur ». En termes clairs, « c’est un narcissique », qui ne transmet aucune émotion et réinterprète toutes les situations à son profit. Les deux psychiatres ont vu en lui « un homme peu empathique, centré sur lui-même, incapable d’autocritique ».
« Il est dans l’incapacité de rendre ses sentiments, sinon par l’idéalisation ou le mépris », disent-ils, ce qui expliquerait ses emballements soudains pour des amourettes, et le dédain violent dont il fait montre à l’égard de celles qui ne consentent pas. Dans les catégorisations qu’ils proposent, les psychiatres désignent l’accusé sous le terme « d’arrangeur » : « il fluctue au gré des circonstances et interprète toutes les situations à son profit ».
S’il n’est pas malade au sens psychiatrique du terme, les experts le définissent comme « un séducteur pervers », un trait de personnalité qui fait de lui « un individu qui organise des scénarios lui permettant d’avoir une emprise sur les personnes et qui ira chercher en-dehors de lui les causes de ce qu’on lui reproche ».
« A-t-il compris ce qu’il a fait à ses victimes ? », interroge la présidente. « Non, répond le psychiatre, il ne parle que de lui. A cet égard, il est capable de plaider la culpabilité du monde entier, sauf la sienne ».


« Moi aussi, je souffre »
Danielle Gonnin, ex-épouse d’André Bamberski et de Dieter Krombach, n’a pas admis le scénario que propose André Bamberski concernant la nuit où Kalinka a perdu la vie.
Dans son approche, André Bamberski en avait fait « une complice », un mot excessif sans doute, mais un mot qui fait mal à la maman. « André Bamberski n’a pas le monopole de la douleur », a-t-elle fait valoir. « Moi aussi, je souffre, mais ma souffrance je l’ai gardée pour moi. Je ne voulais qu’une chose : le bonheur de mes enfants. Si à l’issue de ce procès j’ai la certitude qu’il s’est passé quelque chose sous mon toit, je ne m’en remettrai jamais ». Elle a fait valoir qu’elle avait d’abord accordé sa confiance à Dieter Krombach. Pour elle, les doutes sont apparus « en 2010, quand j’ai eu accès au dossier ». « Je suis venu chercher la vérité », répète-t-elle en assurant que les débats font chanceler ses convictions initiales. « J’ai toujours été sincère. Si je me suis trompée, je m’en voudrais toute ma vie. »


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