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Justice pour Kalinka


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Douzième journée d’audience
Le docteur trahi par la médecine

Trop d’orgueil pour être honnête ?
En refusant la thèse de l’accident médical qui lui était tendue comme une perche, le docteur Krombach se met en difficulté face à des experts implacables.

Après le malaise subi par l’accusé mardi soir, l’audience a repris hier à 14 heures, au terme d’une matinée de repos thérapeutique. Cette demi-journée de débats a cependant suffi pour emporter plus vite que ne l’ont fait dix jours d’audience, les dernières incertitudes qui pouvaient encore planer sur le caractère ambigu du comportement de Dieter Krombach.

Constats implacables
La médecine légale ne s’embarrasse pas de considérations humaines, c’est le rôle de l’avocat. Le médecin légiste, surtout quand il œuvre dans une spécialité définie, constate et expose ce qu’il a relevé. Son domaine, c’est la rigueur scientifique. Opposée à Dieter Krombach, cette réalité est implacable. Les toxicologues et les pharmacologues sont unanimes et impératifs : « Kalinka est morte entre 21 h 30 et, au grand maximum, 1 heure du matin ».
Elle portait dans le bras droit « une trace de piqûre concomitante avec la mort » ce qui, dans le jargon, signifie que l’adolescente est morte « au maximum dans les dix minutes qui ont suivi la piqûre ». On le sait maintenant, ce n’était pas la piqûre de Kobalt Ferrlecit qui lui a été faite vers 20 h 30, pour soigner son anémie.
Le toxicologue Jean-Louis Pourriat est pour sa part affirmatif sur un point : « si elle a pris un cachet de somnifère de type Frisium, cela pouvait suffire à la mettre dans un état de sédation profond, susceptible d’induire une inhibition glottique(1) ». Dieter Krombach a donné du Frisium à Kalinka. « 10 milligrammes », a-t-il dit tout d’abord, avant de pondérer : « un demi-cachet, soit 5 milligrammes tout au plus ».
Caroline Rey-Salmon est, elle, spécialisée en pédiatrie médico-légale. Au regard de son expérience, « le corps de Kalinka porte tous les signes suspects d’une agression sexuelle ». Elle appuie sa démonstration sur le fait que le sexe de l’adolescente porte les marques d’une blessure ante-mortem, et les traces d’un liquide blanchâtre trouvées dans le vagin. « Il est regrettable que ni des prélèvements ni des explorations analytiques n’aient été effectués », déplore-t-elle, comme l’ensemble de ses collègues.

Instant de vérité
Il est des moments à la cour d’assises où quelques mots suffisent à marquer un temps définitif dans un procès. Ces mots arrivent en général quand on ne les attend pas ; mais c’est précisément parce qu’on les espère, que l’assemblée sait reconnaitre leur imminence : le temps devient palpable, et le silence qui se fait confine à l’étreinte.
C’est Me. Alexandre Parra-Bruguière, l’avocat de Danielle Gonnin, qui va offrir cet instant décisif à la cour d’assises. On parle ici d’une minute, peut-être deux dans le temps du procès ; mais elles doivent se réfléchir en années de prison.
Forçant son habitude qui est de parler en dernier, Me. Parra Bruguière demande la parole. Xavière Siméoni, la présidente, la lui accorde. Droit dans sa robe, l’avocat attend que la rumeur du prétoire se taise. D’une voix forte, à la juste limite entre l’autorité et la fermeté, il s’engage. Les phrases sont courtes et claquantes : « Monsieur Krombach, je représente Danielle Gonnin. Elle est venue pour comprendre, pour avoir la vérité. Elle n’est pas encore votre ennemie. Elle vous pose maintenant cette question fondamentale : Monsieur Krombach, en plus du Kobalt Ferrlecit à 20 h 30, avez-vous fait une piqûre à Kalinka entre 22 h 30 et 1 heure du matin ? Réfléchissez bien, Monsieur Krombach ».
L’accusé se lève dans une salle qui retient son souffle : « Non ».
Me. Parra-Bruguière le laisse se rasseoir avant de poser les mots de la seconde chance. Même les mouches se taisent. D’abord, l’avocat présente sa thèse : « Monsieur Krombach, les médecins ont expliqué qu’on avait injecté à Kalinka, de son vivant, des produits qui servent à la réanimation. Monsieur Krombach, pouvez-vous nous dire si Kalinka a fait un malaise dans la nuit. Un malaise dont vous vous êtes aperçu et qui a fait que vous avez tenté de la réanimer ».
Il marque une pause et enchaîne : « Monsieur Krombach est-ce que cette réanimation vous aurait échappée ? En fin de compte, Monsieur, est-ce que la mort de Kalinka pourrait être un accident ? ».
On ne perçoit plus que le murmure de la traductrice qui chuchote les derniers mots de la phrase dans l’oreille de l’accusé. Dans une salle qui scrute ses lèvres Dieter Krombach, enfin se lève et sa réponse claque. Comme un bruit de verrou : « Nein ».

Un dernier expert pour la route
Arrive ensuite à la barre Dominique Lecomte. Elle est directrice de l’institut médico-légal de Paris. Elle a piloté et conduit la synthèse de l’expertise qui pouvait encore être faite sur les prélèvements encore disponibles de Kalinka.
Bien sûr, elle redit les mêmes choses que ses prédécesseurs, dont elle a coordonné le travail. Elle résume sur un ton qui passe au rabot toutes les incertitudes qui pouvaient encore servir de mince aspérité à la défense : « Kalinka a été sédatée(2) par une dose de Frisium supérieure à la dose thérapeutique. Une piqûre lui a été faite de son vivant, avant 1 heure du matin, et cette piqûre est concomitante avec sa mort. Les conditions du décès de Kalinka plaident en faveur d’un traumatisme sexuel ».
Et de regretter, elle aussi, que « ni le sang cardiaque, ni les prélèvements intimes n’aient été analysés ». A une question de l’avocat général sur ce sujet, elle répond : « à ce stade-là, je ne crois pas que ce soit de l’incompétence ».
Et de répéter, comme pour elle-même : « Non, ce n’est pas une incompétence… »

A.J-K


L’avocat de Krombach, expert en botanique légale

Au plus tragique d’un débat d’assises, il arrive souvent que le rire se mette de la partie. C’est antinomique, parfois irrespectueux… mais personne ne se prive.
Ainsi lorsque l’experte Dominique Lecomte a déposé, elle a déploré que ses homologues Allemands n’aient pas jugé utile de savoir si Kalinka était vierge. Voire, si en dépit de la conservation de son hymen, elle aurait pu subir un rapport sexuel complet. Et de rapporter à l’appui de ses dires, cette statistique étonnante, selon laquelle « près de 75 % des jeunes filles conservent leur hymen après leur premier rapport », ceci étant dû à « l’élasticité des tissus, surtout pour une adolescente ».
Prenant acte que Kalinka peut entrer dans cette statistique, Me. Philippe Ohayon, un des avocats de Dieter Krombach a tâché de conjurer les effets dévastateurs de l’information, en s’appliquant à revenir sur une hypothétique « défloraison » (sic) de la victime.
Perturbé par l’été qui s’attarde ou par une lecture trop assidue de Proust ? Sachons gré à Me. Philippe Ohayon d’avoir introduit un peu de poésie dans ce procès, en y amenant une jeune fille en fleur. Rien que de très normal, direz-vous, puisque c’est là qu’elles naissent.


Nouvelle suspension d’audience
Suite à la suspension intervenue mardi soir pour cause de malaise de l’accusé, les avocats ont demandé hier « deux journées de suspension ». La présidente Xavière Siméoni, après s’être informée auprès des médecins qui s’occupent de l’accusé, a estimé que le procès continuerait. Toutefois, elle a accordé une demi-journée de repos supplémentaire à Dieter Krombach. Ce jeudi matin sera donc « thérapeutique ». L’audience reprendra à 13 h 30.
Les débats étant, pour l’essentiel, achevés, les premières plaidoiries pourraient être entendues en début de soirée.


Xavière Simeoni, présidente de la Cour d’Assises


(1) Une inhibition glottique est un état proche du coma, qui abolit le « réflexe vomitif » qui survient quand on touche la glotte. Cet état provoque l’impossibilité de provoquer l’expulsion-réflexe du vomi par exemple, et conduit à l’étouffement de la personne qui en est l’objet.
(2) Endormie artificiellement.


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