Krombach condamné à 15 ans de réclusion
Après trois heures et demi de délibérations le jury de la cour dassises de Paris a suivi point par point les réquisitions de lavocat général.
Dieter Krombach a été condamné pour « violences volontaires ayant entrainé la mort sans intention de la donner, avec les circonstances aggravantes que le crime a été commis contre un mineur par personne dépositaire dune autorité ». Cétait la position affichée et la peine revendiquée vendredi par lavocat général(1). André Bamberski voit dans cet épilogue « la réalisation de la promesse faite à Kalinka », mais reste déçu quant au chef daccusation retenu : « jaurais pour ma part souhaité que les jurés reconnaissent un meurtre aggravé », a-t-il concédé.
Divergences dappréciations
Le verdict a été reçu avec une satisfaction mitigée sur les bancs des parties civiles, alors que pour leur part, les avocats de Dieter Krombach se montraient divisés quant à leur intention de faire appel.
Le jury sest retiré peu après 15 heures, pour ne revenir quaux alentours de 18 h 30, après avoir entendu Dieter Krombach, autorisé à intervenir après les paidoiries de ses avocats qui avaient exposé leur défense dans la matinée.
« Je jure devant la Cour et devant Madame Gonnin, que je nai jamais fait de mal à Kalinka », a sobrement commenté laccusé, visiblement las, au terme de ces trois semaines de débats, certes éprouvants physiquement, mais également implacables quant aux coups de boutoirs assénés à la version des faits proposée par le médecin allemand.
A lannonce du verdict, prononcé dans un silence religieux, Krombach na pas bronché. Debout et figé derrière la vitre pare-balles qui clos le box, il a simplement baissé la tête quand il a semblé saisir linformation.
Pour sa part, tout aussi immobile, André Bamberski a sobrement remercié ses avocats. La présidente a levé laudience pour permettre aux jurés de se retirer.
La salle a alors été en proie à une agitation silencieuse. Chacun allant vers les siens, soit pour des congratulations, soit pour apporter un peu de réconfort, comme Diana Krombach qui sest aussitôt rendue auprès de son père pour lui prendre les mains, le temps dune longue conversation muette.
Appel ou pas appel ?
Une foule impressionnante de journalistes attendait au dehors la sortie des protagonistes. Pas moins de quatre télévisions allemandes avaient dépêché leurs envoyés spéciaux, qui voisinaient aux côtés des grands médias télévisuels français, derrière lesquels salignaient radios et presse écrite.
Alors quAndré Bamberski restait silencieusement dans la salle auprès de sa compagne et de ses proches amis du comité de soutien, les avocats de Dieter Krombach étaient attendus au tournant dune seule question : entendent-t-ils faire appel de ce verdict ?
Leur réponse se révélait confuse dans un premier temps. Me. Ohayon sinterrogeant sur « la nécessité de faire revivre trois semaines de difficultés physiques et intellectuelles aussi intenses à un vieil homme très fatigué », alors que Me. Levano, affirmait sans lombre dune hésitation vouloir reconduire le procès en appel au motif que « M. Krombach a été condamné sans preuve », feignant dignorer quil nest pas besoin den présenter à un jury dassises invité à se prononcer sur une « intime conviction ».
En début de soirée, les avocats semblaient toutefois sêtre mis daccord pour demander que Dieter Krombach soit rejugé, mais ne rendront leur avis définitif que lundi.
La logique des débats
Quelle que soit lopinion des uns sur lopportunité ou de la qualification retenue, ou de la peine infligée, la condamnation de Dieter Krombach intervient dans le droit fil des débats, tels quils se sont déroulés.
Certes, comme le déplorent les avocats de laccusé « aucune preuve formelle ne permet daffirmer quoi que ce soit ». Pris à la lettre, le propos nest pas dénué de fondement. En revanche, les présomptions dabus de piqûres diverses dune part, dabus sexuels dautre part et pour finir, dutilisation fréquente de sédatifs, ont sérieusement entamé la crédibilité du docteur de Lindau. Sa défense sest révélée dautant plus friable que son comportement à laudience où, à son mépris des victimes il superposait à ses dénégations invraisemblables, na pas joué en sa faveur.
Si le dédain nest pas un délit, il devient cruellement un argument à charge quand il sajoute au mensonge, donnant en cela raison à ses propres avocats qui assuraient hier « M. Krombach est son principal ennemi ». Alors que la veille lavocat général avait délivré les jurés de tout scrupule : « noubliez pas que lon juge cet homme sur des faits, mais aussi sur sa personnalité générale ».
Pour autant, si déplaisant fut le docteur Krombach, si ténus étaient les indices et si fortes les présomptions, la logique sur laquelle se sont construits les débats a permis de franchir lhypothèse de laccident qui aurait mal tourné, mais nest pas parvenue à atteindre la certitude dune intention criminelle.
Ainsi, sil sétait agi dun accident provoqué par un homme responsable, la décence et lhumanité auraient voulu quil hurle, quil appelle à laide dès après avoir constaté le drame au cur de la nuit. Or, Krombach sest recouché après avoir constaté le malaise et sans doute le décès de Kalinka- préférant attendre le matin pour jouer un sinistre simulacre de découverte de lhorreur. Dans tous les cas, il a été trahi par une tentative de réanimation effectuée du vivant de Kalinka. Ainsi, ici, lintention homicide venait buter sur les efforts déployés pour permettre à sa victime de survivre.
Les jurés ont préféré croire que la vérité était au milieu de ces deux scénarios. Cest en tout cas ce qui émergeait, sinon du dossier, mais pour le moins de lévolution des débats tels quils ont été construits.
En tout état de cause, il est rare quun verdict dassises satisfasse de façon unanime lensemble des protagonistes du procès.
Quoi quil en soit, cette « oeuvre de justice » est laboutissement de deux combats. Deux titans qui se sont toisés pendant près de trente ans, lun sappliquant à fuir, lautre à le traquer. André Bamberski voulait une parole publique pour que soit appréciée la certitude quil portait en lui.
La décision qui en découlerait importait moins que le débat lui-même. Il a eu lieu. Les arbitres ont tranché.
A.J-K
André Bamberski : un soulagement mitigé
Cest sans effusion ou enthousiasme quAndré Bamberski a accueilli le verdict. Dire quil la salué serait également excessif. Comme sonné tout de même- par la nouvelle, il lui a fallu un certain temps pour rationnaliser.
Son pragmatisme a repris rapidement le dessus : « Je suis satisfait davoir tenu la promesse faite à Kalinka. Je voulais quil y ait un procès. La peine mimportait peu, en vérité ».
Toutefois, il précise le sens de la nuance quil veut apporter : « Jaurais cependant voulu entendre que Krombach a volontairement donné la mort à Kalinka. Pour moi, cest encore ma conviction, il a commis un meurtre aggravé. Le jury a préféré croire que les piqûres constituaient une violence qui a eu des conséquences funestes, indépendantes de la volonté de leur auteur. Cest ainsi, mais cette approche ne me satisfait pas ».
Pour lui, le quantum de la peine a une incidence relative : « Quinze ans, pourquoi pas. Mais cela ne mintéresse pas. Jaurais préféré une peine plus légère, mais avec une incrimination pour meurtre », insiste-t-il.
Toutefois, il admet que la fin de laudience signe un grand soulagement. Promesse tenue. Il est allé au bout du combat pour lequel il sest engagé en 1982. Heureux davoir été un homme de parole, de navoir pas trahi sa fille. Davoir fait un serment de père dont elle serait fière aujourdhui.
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(1) Voir la chronique de la quatorzième journée.