Krombach-Bamberski : l’ultime face à face ?
Ce matin, devant la cour d’assises du Val de Marne, qui siège à Créteil, s’ouvre le quatrième procès de Dieter Krombach, 77 ans aujourd’hui, accusé d’avoir donné la mort à Kalinka Bamberski.
Si l’on excepte la condamnation par contumace, infligée en 1995 à l’encontre de ce médecin Bavarois, c’est la troisième fois que les circonstances entourant le décès violent de Kalinka Bamberski seront évoquées devant une cour d’assises.
Ce procès pourrait constituer l’épilogue d’une affaire engagée dans la nuit du 9 au 10 juillet 1982, à une heure encore incertaine, puisqu’aucun élément tangible ne permet d’établir l’heure à laquelle Kalinka Bamberski, qui allait fêter ses quinze ans, a perdu la vie. En revanche, au regard de l’enquête et des deux verdicts respectivement rendus en 1995 et en 2011, le docteur Dieter Krombach, chez qui vivait Kalinka, serait à l’origine du décès de l’adolescente. Le conditionnel est de mise car, en dépit de sa condamnation à quinze années de prison prononcée le 22 octobre 2011 par la cour d’assises de Paris, le docteur Krombach reste présumé innocent.
En effet, à l’issue du procès qui s’était déroulé du 4 au 22 octobre 2011, il a fait appel du verdict qui lui a été opposé. De fait, c’est en accusé, et non pas en condamné, qu’il se présente aujourd’hui devant les neuf jurés et les trois juges appelés à décider de son sort.
Journée procédurale en perspective
Même s’il est toujours délicat de présumer ce qui peut se produire devant une cour d’assises, on peut raisonnablement estimer que cette journée d’ouverture sera très probablement émaillée d’arguties procédurales.
Le premier écueil qui s’annonce tient à la nouvelle réforme des procès d’assises, en vigueur depuis le 1er janvier de cette année. Auparavant, en première instance, la cour d’assises était composée de neuf jurés (plus le président et ses deux assesseurs), et en appel, douze jurés étaient convoqués. En 2012, pour des motifs de « simplification », mais sans doute aussi pour des raisons budgétaires mal avouées, ce sont désormais six jurés qui siègent en première instance, et neuf en appel.
Certains avocats ont vu là une brèche énorme. Ils ont évoqué « un manque d’équité » à l’égard de leur client jugé avant la réforme en première instance, et rejugés en appel ensuite. L’argumentation qu’ils soutiennent renvoie au fait qu’après avoir été jugé par neuf jurés, la cour devrait en aligner douze. En clair : ceux qui ont comparu avant le 1er janvier 2012 devraient « bénéficier » d’un jury composé de douze jurés, conformément à la loi en vigueur lors de leur première comparution.
La question a déjà été tranchée : la formation à neuf jurés née de la réforme s’impose, même si l’accusé a été jugé avant. Toutefois, même s’ils savent le combat perdu d’avance, certains avocats ne se privent pas d’user de cette argutie, ne serait-ce que pour imposer leur présence sur l’audience et peser ainsi d’entrée de jeu sur des jurés qui, rappelons-le, sont des personnes ordinaires, généralement peu au fait des subtilités du droit.
Quinze journées d’audience en prévision
Le procès de Dieter Krombach est prévu pour se tenir sur quinze journées d’audience. Sur le papier, le verdict est attendu le 14 décembre. C’est une prévision. Il n’est pas inutile ici de rappeler que lors d’un première comparution, supposée se dérouler du 29 mars au 14 avril 2011, le docteur Krombach avait été victime d’un malaise cardiaque. Bien qu’elle eût paru plus que suspecte, cette défaillance avait provoqué la suspension du procès.
Voire, lors de sa seconde comparution, Dieter Krombach avait « failli » se sentir mal en soutenant que le personnel médical de l’administration pénitentiaire ne lui avait pas donné ses médicaments. Cette récidive avait alors suscité une vigilance toute particulière des personnels compétents qui avaient découvert que l’accusé avait inopinément sans doute, laissé choir le fameux médicament dans ses chaussettes. Menacé d’un outrage à la cour par une présidente décidée à en découdre, il s’était soudain senti mieux.
Si ces différentes « alertes » peuvent laisser planer des inquiétudes sur la santé du docteur Krombach, elles induisent plus sûrement quelques inquiétudes sur une stratégie de défense qui s’est jusqu’alors montrée assez peu avares en coups tordus.
La vigilance des avocats d’André Bamberski ne sera sans doute pas de trop dans ce combat qui s’annonce d’autant plus âpre qu’il s’agit là du dernier face à face théorique entre l’accusé et André Bamberski qui, depuis trente ans désormais, poursuit l’homme présumé responsable de la mort de son enfant.
A l’issue de l’audience qui s’ouvre aujourd’hui, le seul recours qui s’offrira aux parties en présence, sera la cassation. L’enjeu est donc d’une épaisseur jamais atteinte dans le bras de fer qui oppose Dieter Krombach à André Bamberski car, il faut le reconnaitre, au-delà d’une affaire judiciaire viciée par l’inertie de la justice allemande et l’incurie de la justice française, c’est un véritable duel qui depuis trente ans met aux prises les deux hommes.
A.J-K