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Justice pour Kalinka


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Troisième journée d’audience
Fausse tempête et vrai apaisement

La journée des nuages

Un gros grain à tendance orageuse s’est abattu hier sur André Bamberski, alors que Dieter Krombach a flotté sur un ciel à peine pommelé.
Les procès d’assises ont coutume d’osciller sur le principe d’un effet de balancier. Telle journée profite à l’un, le lendemain à l’autre. Pour la troisième journée du procès en appel du docteur Dieter Krombach, soupçonné d’avoir tué Kalinka Bamberski dans la nuit du 9 au 10 juillet 1982, l’accusé a profité d’une embellie. La journée de mercredi avait été marquée par le témoignage tranchant de Nicolas Bamberski qui ne plaidait pas en sa faveur.
Appelée à la barre dès le matin, sa fille Diana, 48 ans aujourd’hui, a fait montre d’une détermination qui a sans doute été profitable à la posture qu’il a du mal à trouver depuis le début des débats qui se sont engagés mardi.

Diana Krombach : « donnez-moi une certitude »
La fille de l’accusé n’a aujourd’hui plus rien de l’adolescente réveillée par son père affolé au matin du 10 juillet 1982.
Diana Krombach avait alors 18 ans tout juste, une vie dorée, et rien ne la prédisposait à découvrir la dépouille de sa demi-sœur Kalinka déjà roide dans son lit. C’est elle, et non pas Danielle Gonnin, la mère de l’enfant que l’accusé a d’abord appelée pour l’aider, dit-elle, à sortir le corps du lit, l’allonger sur le sol de la chambre et tenter de la ranimer à grands coups de piqûres, dont on ne retrouvera jamais ni les ampoules ni les seringues.
Orpheline de sa vraie mère alors qu’elle avait cinq ans, Diana Krombach a eu son lot d’épreuves dans la vie. Elle explique comment cette affaire l’a brisée, et sa famille avec. « Depuis le début de cette histoire tout le monde souffre. Moi, je n’ai pas pu l’exprimer parce que toute la place a été occupée par les déchirements qui ont suivi le décès de Kalinka ». Elle a mis des distances entre Lindau, tout d’abord, « la ville où on n’existe plus qu’au travers de cette affaire », et sa famille ensuite, son père y compris. Elle vit aujourd’hui à Chypre mais vient en France toutes les quatre ou cinq semaines « parce qu’il est mon père et que je ne comprends toujours pas ».
« Si vous me dites qu’il est coupable, je vous répondrai qu’il doit être puni. Parce que c’est normal. Mais il a été condamné sur des impressions, parce que c’était un homme à femmes, et ça je ne peux pas l’admettre. Donnez- moi la preuve et je vous dirai qu’il a ce qu’il mérite. Je suis prêt, si cela existe à regarder une vidéo dans laquelle on le voit tuer Kalinka. Il ira en prison et ce sera juste ».
« Mais en revanche, je refuse que les soupçons deviennent des certitudes : je veux des preuves. Montrez-les moi. Il y a trente ans qu’on attend et tout ce qu’on trouve c’est du linge sale, des règlements de comptes. Je n’en veux plus. Expliquez-moi. Donnez-moi une certitude ».

André Bamberski rappelé à l’ordre
A l’issue du témoignage de Diana, André Bamberski désormais seul aux commandes de son destin judiciaire après avoir demandé hier à ses avocats de ne plus l’accompagner, a pu –comme il est d’usage après une déposition- poser des questions au témoin.
Las, peu au fait des usages –mais bien que le Président se soit appliqué à les lui signifier- André Bamberski a jugé nécessaire d’orner d’une épithète son adresse à la cour :
- « Après les mensonges de Diana… ». Il n’est pas allé plus loin. Louise Tort, l’avocate de Diana Bamberski a bondi de son siège pour interpeller la cour avec véhémence : « C’est scandaleux et purement déloyal. A ce stade de la procédure, l’avis de Monsieur Bamberski n’intéresse personne, et ses accusations encore moins ».
Le président superpose son indignation à cette sortie catégorique ; il réitère ses exigences à l’endroit du père de Kalinka : « Posez vos questions, simplement vos questions. Il vous est interdit de faire part de vos appréciations ! Vous le savez. Je vous l’ai dit hier ; aujourd’hui, je vous mets en garde ». Et dans le même élan, dans la cacophonie la plus complète, Me. Philippe Ohayon, un des deux avocats de Dieter Krombach fait claquer un dossier sur le bureau et crie : « J’exige une suspension d’audience. C’est intôlérable, je vais de ce pas voir le bâtonnier de l’ordre des avocats ».Il obtient ce qu’il demande.
A peine décontenancé, André Bamberski encaisse. Durant la suspension d’audience, il se rend auprès des membres de son comité de soutien… pour défendre sa position, et comme faire fi des recommandations qui lui sont prodiguées. Sa « maladresse » était-elle calculée ? Toujours est-il que ce procès qui peine à se lancer, souffrirait encore d’avoir du mal à avancer.
La multiplication des incidents a ceci de pervers qu’elle peut induire l’effet contraire au but poursuivi. Tout est question de dosage. La cour parviendra à pardonner des gaucheries liées à l’inexpérience, mais pourrait apprécier de façon radicalement opposée les agissements d’une partie qui tenterait d’abuser de sa naïveté pour se jouer du jury. Cependant, en ce domaine, si l’on croit duper les avocats adverses (qui en réalité font leur miel de ce genre d’incident), il serait imprudent de négliger l’expérience du Président Hervé Stéphan.

A.J-K


Le mystère des premières heures
On a également vu hier à la barre des témoins, Mme. Maier. Cette dame maintenant retraitée est l’ambulancière brancardière de ce qui, en Allemagne, pourrait s’apparenter au Samu. Elle est la première personne étrangère à la famille, à être entrée chez les Krombach après le décès de Kalinka. Elle était accompagnée d’une assistante qui n’a jamais été interrogée, et ne figure nulle part dans la procédure. Elle a été suivie de près par le docteur Hilmar Jobst qui, lui, a dû s’expliquer.
A peu de choses près, elle raconte la même chose qu’en avril 2011 et octobre 2011 : « J’ai trouvé qu’il n’était pas normal qu’une enfant de 14 ans perde la vie de façon aussi soudaine ». Mais cette modeste personne est chez le docteur que le tout-Lindau s’arrache, et dans son sillage arrive le chef du Samu. Elle ne se sent pas autorisée à commenter quoi que ce soit mais trouve « étrange » que le docteur Jobst la supplie « presque à genoux », d’embarquer la dépouille de Kalinka dans son ambulance : « c’était contraire au règlement, parce qu’avant d’enlever un corps, il faut appeler la police. C’est elle qui donne l’ordre ».
Mais, face aux deux honorables docteurs « qui ont discuté seuls » alors qu’elle n’était pas dans la pièce, elle s’exécute. Elle sera d’ailleurs blâmée pour cela. Lors du premier procès, le docteur Jobst était venu expliquer qu’après en être convenu avec Dieter Krombach, il n’appellerait pas la police : « Krombach avait dit qu’il s’en chargeait ».
Le dossier nous explique que Dieter Krombach a visiblement oublié, puisque c’est l’hôpital qui avertira les policiers. Le lendemain. On n’a plus revu le docteur Jobst. Il ne viendra pas non plus à cette audience.

Krombach au « quartier VIP » de la Santé
En fin d’audience, le président a invité Dieter Krombach a raconter sa détention.
Après avoir passé quelques jours à l’hôpital pénitentiaire de Mulhouse après son « arrestation » en 2009, il a ensuite été transféré à Fresnes, d’abord à l’hôpital, où il est resté un an et demi. Rétabli, il a ensuite été admis dans le régime général de détention. C’est là que les choses se sont gâtées. Devenu la tête de Turc de quelques voisins de cellule, il dit avoir été insulté, agressé et molesté à plusieurs reprises.
Depuis quelques mois, il bénéficie d’une cellule individuelle à la prison de la Santé, au quartier A, dit aussi « des particuliers », mais plus connu sous le nom de « quartier VIP ». Ce sont ses avocats qui ont tenu à ce que cela se sache. Bel hameçon.


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