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Justice pour Kalinka


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Quatorzième journée d’audience
Krombach Oublie… mais pas tout

Un accusé à géométrie variable

Entre ses amours clandestines avec des adolescentes, et l’admnistration d’un comprimé de Frisium qui pourrait –entre autre- être à l’origine du décès de Kalinka Bamberski dans la nuit du 9 au 10 juillet 1982, Dieter Krombach « ne sait plus ». Parfois, il « pense que c’est possible ». Voire, il dit le contraire de ce qu’il a dit en 1983, en 2011, et plus récemment dans un courrier adressé en novembre 2012 au président de la cour d’assises, voire devant la cour d’assises elle-même. En termes clairs : il a fini par se perdre dans ses propres déclarations et les versions successives qu’il a fournies sur les circonstances du drame.

Une liaison avec une adolescente
En 1982, probablement un peu après la mort de Kalinka mais, nul ne sait, Dieter Krombach a entretenu une liaison avec une adolescente. Isabelle de Placido avait 17 ans quand elle tombe sous le charme du docteur de Lindau, qui était son voisin. Lui, il a 47 ans à l’époque et veut l’embrasser dès la première rencontre. Il attendra quelques jours avant de la déflorer dans un hôtel où elle a accepté de le suivre.
La relation ne souffre d’aucune ambigüité sur le plan du droit. Isabelle de Placido le dit au policier qui l’interroge : « j’étais amoureuse ». Elle le quittera d’ailleurs « par jalousie (…) il m’avait trompée », dit-elle. Sa « rivale » n’était autre que Svenia Mauer, la jeune fille à qui Krombach avait « offert » deux week-ends, en Camargue et à Londres, et qui est venue expliquer à la barre qu’il avait profité de cette proximité pour abuser d’elle(1). Pas question de piqûres avec Isabelle. Juste « des tranquillisants » que mettait Dieter Krombach dans le verre de son épouse, « pour être certain qu’elle dorme à l’étage » et ne les dérange pas quand ils batifolaient, en bas, dans le salon.
L’ex-adolescente n’est pas venue à la barre. Sa déclaration a été lue, ce qui fut bien suffisant au supplice de l’accusé qui, sur une question du président, prend le ton le plus humble pour se désoler : « je ne me rappelle plus très bien de cette liaison ». Elle aura duré deux ans. Voire, le souvenir est si flou que « je ne crois pas avoir eu de contact sexuel avec elle », dira Krombach.
Me. Alexandre Parra-Bruguière, l’avocat de Danielle Gonnin, l’épouse alors bafouée, pose une question un peu hors-champ et en même temps assez ciblée : « D’accord, cette jeune fille était consentante. Elle avait sa majorité sexuelle, cela ne souffre d’aucun commentaire. En revanche, que pensez-vous de la liaison d’un homme de 47-48 ans avec une jeune fille de 17 ans ? ». « Ce n’est pas normal », s’insurge l’accusé, qui s’indigne soudain de la condition de la femme Afghane « mariée de force à huit ans » et d’ajouter, pour concentrer toute la force de sa pensée : « ce ne sont pourtant pas des singes ! ».

Le Frisium testé sur Kalinka ?
Alors même qu’on discutait de sa déposition, Isabelle de Placido est sortie du prétoire par la porte de l’armoire à pharmacie. Tâchant de répondre à Me. Ohayon, son avocat, qui l’interrogeait sur la pertinence de la fidélité comparée à la nécessité d’endormir son épouse, Dieter Krombach proteste de toute sa sincérité : « Comment aurais-je pu endormir Mme. Gonnin ? Il aurait fallu que je sois sûr. Or, je ne maitrisais pas le Frisium ». Et de développer en suivant le fil de sa pensée : « J’en avais une tablette échantillon qui m’avait été donnée par un labo, et j’en ai donné un comprimé à Kalinka ». La logique qui structure la réponse échappera à certains, mais là n’est plus le propos.
Me. Ohayon pense avoir trouvé l’ouverture : « Les experts disent que le Frisium serait à l’origine du décès de Kalinka. Est-ce que votre manque de maitrise pourrait en être la cause ? »
-« Je ne peux pas l’exclure »
, répond l’accusé.
-« Et si vous aviez fait une erreur ? », renchérit l’avocat.
-« Rétrospectivement, je me dis que j’aurais dû prendre un produit que je maitrisais », répond le docteur.
-« Ainsi donc, vous admettez que vous pouvez ne pas avoir été un bon médecin en cette circonstance…
-« Ah, mais j’ai été reconnu comme médecin chef !», s’indigne Krombach, qui ne veut pas entendre parler de faute médicale.

Danielle Gonnin désemparée
Cette soudaine irruption du « test » du Frisium opéré sur Kalinka a bien sûr bouleversé les esprits. Après avoir dit qu’il l’avait donné en présence de Danielle Gonnin, puis alors qu’il était seul et qu’il avait croisé Kalinka dans le couloir, et enfin que Kalinka était venu le réveiller alors qu’il dormait… voici donc la énième version que choisit l’accusé pour expliquer dans quel contexte il aurait donné ce fatal comprimé.
Appelée à la barre pour compléter son témoignage(2), Danielle Gonnin est au diapason de la consternation ambiante : « Je viens d’entendre qu’il ne connaissait pas le Frisium et il dit qu’il l’a testé sur Kalinka . Ca m’a choquée», se désespère-t-elle. « Je veux la vérité », plaide-t-elle à nouveau mais, dans son box l’accusé reste immobile. Elle martèle : « Je ne crois pas que Kalinka ait demandé un calmant. Je n’y crois pas », en balayant d’un geste l’idée selon laquelle l’adolescente aurait pu venir le demander dans la chambre des parents (« elle n’y rentrait jamais, à plus forte raison quand nous y étions »), et n’admet pas non plus qu’elle ait un seul instant pensé, de quelle façon que ce soit, à un tel recours.
A l’écoute de cette femme vacillante, patiemment, le président Hervé Stéphan l’interroge sur ses vingt-huit années de silence, puisque ce n’est qu’en 2010 que Danielle Gonnin entrera dans le dossier : « Je ne voulais rien savoir. André Bamberski m’énervait avec ses suspicions concernant Dieter Krombach. Moi, je voulais la paix et je pensais que j’étais en paix aux côtés de Dieter Krombach » ; confirmant en cela ce que, le matin, la psychologue avait dit d’elle : « pour se protéger, elle est restée dans le déni. Ce n’est pas parce qu’elle croyait en l’innocence de Krombach ».
Quand le doute s’est emparé d’elle, en 2010 donc, elle rend les armes : « Finalement, j’ai pensé qu’André Bamberski n’avait pas fait tout cela pour rien. Je l’ai appelé en pleurant pour lui dire qu’il avait raison ». Elle admet que, depuis, sa perception des faits a évoluée. Elle pourrait évoluer encore car elle n’a pas de certitude. Sinon une : « je veux la vérité », clame-t-elle. Une façon à elle, de dire qu’elle est persuadée que Krombach ne la lui a pas encore donnée.

A.J-K



Mi, Kika et Iwa
Sur le jour des faits, Danielle Gonnin dit « ne se rappeler de rien ». En revanche, elle se souvient très bien d’Isabelle de Placido : « J’ai été averti par une lettre anonyme. J’ai posé des questions à la jeune fille et à Krombach, qui m’a confirmé sa liaison. C’est à ce moment-là que je suis partie ». Quand elle rentre en France, Dieter Krombach lui fait parvenir une statuette des « trois singes de la sagesse ». Mizaru c’est l’aveugle, mais Danielle Gonnin n’a rien vu. Krombach le sait. Kaikazaru c’est le sourd, mais Krombach ne lui a jamais dit que ce qu’il a bien voulu lui dire. Iwazaru c’est le muet. Mais pourquoi voulait-t-il qu’elle se taise ?

Subtile contradiction
Le manque de cohérence de l’accusé prête parfois à sourire.
Krombach s’est indigné qu’on puisse le soupçonner d’avoir eu des relations avec Isabelle de Placido, après qu’il eut assommé sa femme Danielle Gonnin, à l’aide d’un somnifère : « Jamais je n’aurais eu de sexe avec elle dans la maison avec elle alors que ma femme dormait. C’était après, quand j’ai quitté Mme Gonnin », s’offusque celui qui, cinq minutes auparavant jurait qu’il n’avait « jamais » eu la moindre relation sexuelle avec cette adolescente.

Le regard du psychologue
Geneviève Cédile est expert-psychologue. Elle a été appelée à donner un avis sur Danielle Gonnin, tout d’abord : « C’est une femme qui a fait le deuil de sa fille en se tenant à l’écart. Elle s’est refusée à douter pour se protéger. Accepter la mort, ce n’est pas accepter les circonstances de la mort. C’est pourquoi elle a d’abord franchi la phase d’acceptation de la disparition de sa fille, avant de vouloir comprendre. Pour elle, imaginer que sa fille ait pu être violée, c’était salir l’image qu’elle voulait en garder. En outre, elle se serait sentie coupable de penser qu’elle avait pu amener sa fille chez celui qui allait la tuer ».
Elle a également examiné André Bamberski : « un homme qui a eu une enfance traumatisante et qui a réussi dans la vie à force de ténacité. Il est parti de la pauvreté la plus extrême et à force d’études et de sacrifices, il est devenu expert-comptable et commissaire aux comptes. Il a appris à contrôler ses émotions pour que les affects ne viennent pas entraver l’objectif qu’il s’est fixé ». Au grand désespoir des avocats de Dieter Krombach, elle a confirmé ce que disait André Bamberski la veille à la barre : « Ce n’est pas un homme qui veut se venger. Il est animé par un sentiment de justice et veut aller au bout. C’est son tempérament ». Titillée encore par les avocats de l’accusé qui voudraient voir en André Bamberski une menace physique pour leur client, la psychologue ne varie pas : « L’idéal qui l’anime, ce n’est pas la vengeance. Il veut un jugement parce que le sentiment de justice qu’il porte est supérieur en exemplarité, à une réaction qui n’aurait pas de raison ».

(1) Voir la chronique du 6 décembre 2012

(2) Voir le compte-rendu du 30 novembre


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