Le malaise de laccusé gagne le tribunal
Le procès est suspendu. Après expertise, on saura jeudi sil peut reprendre lundi 10 avril.
Hier, lundi, avant même la reprise de laudience, la rumeur courait déjà les bancs du prétoire : « Dieter Krombach a été hospitalisé dimanche dans laprès-midi ».
De fait, après que la présidente Xavière Siméoni eut réuni lensemble des avocats, elle rendait publique une délibération de la cour qui confirmait ce qui, pour lheure, nétait encore quun bruit de couloir : « Il nous a été indiqué par ladministration pénitentiaire que M. Krombach fait lobjet dun ennui de santé qui précise quil ne peut être extrait (cest-à-dire mis à la disposition de la justice, Ndlr). Nous navons pas dindication quant à son état. Nous nous déterminerons en fonction des circonstances et de lévolution de sa pathologie ».
Déjouer la pendule
Dans lattente dun certificat médical délivré par les médecins actuellement au chevet de laccusé, un expert était aussitôt diligenté auprès de lhôpital pénitentiaire de la Pitié Salpétrière où séjourne Dieter Krombach, la présidente tenant sans doute à sassurer que cette maladie nait rien de circonstanciel.
Renseignement pris auprès des avocats de laccusé, Dieter Krombach aurait été victime dun malaise dorigine cardiaque. Cet événement se serait produit dimanche peu après son réveil.
Dans le même temps, les supputations allaient bon train. Les uns imputant un caractère « opportuniste » à cette faiblesse. Les autres indiquant quon ne serait juger un homme dans un grand état de fatigue, en soulignant que, déjà, jeudi Dieter Krombach avait montré des signes daccablement. Et les uns de rappeler que laudience ne lui avait pas été très favorable, les autres de signaler que, ce soir-là, les débats sétaient éternisés au-delà de 21 h 30.
Quels que soient les points de vue qui saffrontaient dans un débat pour tout dire vain, laudience est restée suspendue au retour des experts mandés par la cour.
Nouvelle suspension
Cette journée qui sannonçait erratique, le fut vraiment. Attendue pour 15 h, lexpertise et le certificat médical demandés ne sont finalement parvenus au palais de justice que très largement après 16 heures.
On le devine, les couloirs bruissaient de pronostics quant à la suite envisageable. Plusieurs scénarios se dessinaient. Tout dabord, une annulation pure et simple du procès, au cas où laffection cardiaque rendrait impérative une convalescence. Ensuite, et sur le même niveau de radicalité, une reprise de laudience, au cas où le malaise de Dieter Krombach neut été que passager. Enfin, une mise entre parenthèse des débats, le temps dune consolidation du malade et, surtout, le temps quune nouvelle expertise soit effectuée, comme lavaient exigé les avocats de la défense.
Me. Yves Levano, un des avocats de laccusé, disposait en début daprès-midi dune information selon laquelle Dieter Krombach avait « un problème coronarien », et quil avait subi une opération visant à la pose dun « Stent », une sorte de ressort destiné à éviter une compression de lartère jugée faible.
Enfin donc, la cour apparait , munie du certificat remis par le médecin pénitentiaire et de lordre de mission confié aux experts : « létat de santé de M. Krombach ne lui permet pas de comparaitre et nécessite une interruption des audiences jusquau 10 avril inclus », note le document. La présidente ajoute que la cour « exige une expertise » dont les conclusions seront rendues en audience jeudi matin.
Procès acceptable, malade imaginaire
La poursuite du procès au mieux, donc, à partir du lundi 10 avril- est maintenant tout entière suspendue à lavis des experts qui devront dire si Dieter Krombach est « en état ». Or, en matière de justice, rien ne se fait sans quun débat précède. Ainsi, les parties au procès ont-elles été invitées à donner leur appréciation
sur le fait accompli.
Pour les défenseurs de laccusé, cette circonstance est le fait de « la grande fatigue déjà signalée » de leur client. Et de tempêter : « on na pas voulu nous croire, on a vu dans nos propos un artifice de défense : le résultat est là », plaident Mes. Yves Levano et Philippe Ohayon qui profitent de loccasion pour critiquer lexpertise du Dr. Michel Bernard -qui, mardi était venu dire à la barre le caractère « excessif » des problèmes cardiaques dont se prévaut Dieter Krombach.
Pour, Danielle Gonnin, Me. Alexandre Parra-Bruguières, a concédé « prendre acte », tout en « regrettant », cet énième contretemps. Pour André Bamberski, Me. François Gibault et Laurent de Caunes disent également sen remettre à la décision de la cour, mais condamnent lattaque portée par la défense sur les conditions du procès : « Mr. Krombach a bénéficié de toutes les garanties médicales. Cessons de faire le procès du procès ». Autorisé à sexprimer, André Bamberski parle de « manuvre des avocats de la défense » et invoque lexpertise cardiaque déjà déposée au dossier pour dénoncer « de prétendus incidents cardiaques qui nont dautre but que de reporter une échéance redoutée ».
Pour lavocat général, « on ne peut que constater que ce malaise survient au moment où la position de M. Krombach dans ce procès est des plus inconfortables ». Et de continuer, visiblement mécontent : « après avoir joué mardi dernier la carte de la procédure, il joue aujourdhui la carte de la santé. Je comprends parfaitement que M. Krombach ait senti la tension monter ces derniers jours, il ne faut pas cependant quil pense se dérober à la justice ».
Mes. Yves Levano et Philippe Ohayon reviennent à la charge et ne veulent pas être soupçonnés de « jouer » : « Notre client sexpliquera, jurent-ils, mais si vous voulez quils sexpliquent, il faut quil soit en état de le faire ». Pour eux, « il faut que ce procès soit acceptable, on ne peut juger un homme malade dans nimporte quelles conditions », et de dénoncer tout de go « le rythme imposé de laudience qui pourrait commencer plus tôt et sachever moins tard ».
Cette pierre, clairement lancée dans le jardin de la présidente neut dautre effet que daiguiser le courroux de lintéressée : « oser dire que le tribunal na pas pris en considération la particularité du cas de M. Krombach est indigne. La cour na de cesse de sinformer de son état à chaque étape de laudience. Je vous prierai de vous garder de ce genre de remarques qui nont pas lieu dêtre ici », a tonné Xavière Siméoni en guise de conclusion.
A.J-K
|