Dieter Krombach condamné à 15 ans de réclusion
Les jurés étaient majoritairement des hommes (6 sur 9) : la défense (= les avocats de Krombach) avait récusé le maximum de femmes. Krombach était donc le demandeur dans ce procès d’appel.
Il y avait 4 parties civiles (= les victimes) : A. Bamberski, D. Gonnin mère de Kalinka, Diana et Boris enfants de Krombach. Ces deux derniers ont été acceptés comme tels par la cour en raison du préjudice douloureux qu’a été pour eux la mort de Kalinka, avec laquelle ils avaient vécu le temps d’une année scolaire. Fausses parties civiles bien entendu, qui tout en prétendant vouloir la vérité, n’ont jamais interrogé Krombach. Loin de là, elles renforçaient la défense en soutenant l’innocence de l’accusé.
Le procès a été prolongé de 4 jours, à la suite de pertes de temps considérables, voulues par la défense et permises par le président Hervé Stéphan (sans doute pour éviter de donner prise à une demande de cassation) : retour incessant sur des points déjà examinés et tranchés, production de témoins inutiles, telle cette magistrate allemande de liaison venue dire qu’elle n’avait rien à dire, ou la petite-fille de Krombach, née 10 ans après la mort de Kalinka, soucieuse de faire comprendre au jury combien Krombach était un bon grand-père. C’était du temps perdu pour l’examen des faits, temps gagné par la défense, qui redoutait cet examen.
Ce qui a marqué tout le procès c’est la décision prise par A. Bamberski de soutenir seul, sans avocats, sa cause et ses convictions. Le danger était que, fortement impliqué, il pouvait perdre son sang-froid, et commettre des maladresses : admirons que cela ne lui soit arrivé que 2 fois ! En revanche, sa connaissance parfaite de l’énorme dossier lui a permis à maintes reprises de pulvériser, le document à la main, les assertions fausses ou mensongères de la défense — à notre grande jubilation. Libre des règles implicites obligeant les avocats à se ménager entre eux, il pouvait user d’un franc-parler inhabituel en ces lieux : « Taisez-vous ! » « Les avocats peuvent mentir… ». L’émotion a pu le prendre à l’improviste, mais il a évité délibérément le pathétique. Son souci était avant tout d’être limpide, surtout pour les jurés qui ne disposent pas du dossier.
Les avocats de la défense, Me Levano et Ohayon, étaient toujours sans scrupules sur la vérité, toujours outranciers dans leurs indignations théâtrales (« On a jeté sur notre client des détritus, des salissures… Il est jugé comme un criminel de guerre nazi !... Ce procès est un acte de vengeance, oeil pour œil ! »). Mais les mises au point imparables d’A. Bamberski jointes à son refus d’arrondir les angles les a quelque peu déstabilisés. A. Bamberski a su aussi résister à leurs provocations (comme, accessoirement, l’association, qui, renommée par leurs soins « Vengeance pour Kalinka », n’a réagi que par un aimable sourire, pour ne pas donner matière à une suspension d’audience). On a senti souvent ces avocats de Krombach déconcertés, démunis, à court de diversions : on a failli les plaindre… Il faut dire que leur client non plus ne leur facilitait pas la tâche.
D. Krombach, en effet, était toujours aussi fuyant, fluctuant, contradictoire. Tantôt paraissant à l’article de la mort, tantôt flirtant avec sa jeune traductrice française. Admettant un fait (« Ce n’est pas exclu ») pour le nier quelques secondes plus tard, ou encore déclarant avoir oublié des circonstances, qu’il détaillait ensuite avec complaisance. Il a osé nier contre toute évidence le viol de 97 qu’il a lui-même raconté dans son procès en Allemagne, prétendant même accuser son « adversaire » qui, depuis Pechbusque, lui aurait dépêché sa victime pour le séduire ! Ses avocats ont essayé sagement de l’engager sur la voie de l’homicide par imprudence, mais son orgueil lui a fermé cette issue : « J’ai été médecin-chef ! …Je suis un bon médecin, j’avais une bonne réputation ! ». Incapable d’autocritique et de remords, il déplorait au contraire qu’on ait ruiné sa carrière à cause d’une « erreur de quelques minutes » (= ce viol de 97) ! Il s’en prenait à A. Bamberski de tous ses malheurs : c’est une victime.
Son comportement était toujours parfaitement conforme à la description de la personnalité du narcissique qu’a réactualisée pour nous l’expert-psychiatre D. Zagury.
D. Gonnin a affirmé plusieurs fois son désir de connaître la vérité. Elle a bien interrogé Krombach sur sa prétendue tentative matinale de réanimation, contredite par les experts ; elle a bien affirmé que Kalinka ne peut pas avoir demandé un somnifère ; mais elle s’est ralliée sans réfléchir à la thèse du Frisium comme médicament nouveau mal maîtrisé, thèse fantaisiste que Krombach venait visiblement d’inventer : se disant choquée d’apprendre qu’il avait pu donner « si imprudemment » un médicament, et se demandant pourquoi... Elle semblait attendre toujours que Krombach révèle la vérité, sans chercher à la construire elle-même.
Les témoins et les experts ont été les mêmes qu’en 2011. Lecture a été faite des témoignages et expertises des absents, souvent malgré l’opposition de la défense, car ils sont tous défavorables à l’accusé. La psychologue a dû résister à une forte pression pour maintenir qu’A. Bamberski recherchait la justice et non pas la vengeance. Plusieurs experts réputés, mais dérangeants pour la défense, ont été surpris et scandalisés de se voir accusés sans vergogne d’incompétence (« Et vous êtes médecin !...Vous soignez en aveugle ! »). De fait les travaux des différents experts médecins ont établi clairement que l’administration, même à faible dose, de Frisium (benzodiazépine), suivie d’une agression sexuelle, suffit largement à expliquer l’apparition du syndrome de Mendelson qui a conduit Kalinka à la mort par régurgitation dans les bronches.
Les plaidoiries
L’avocat de D. Gonnin Me Parra-Bruguière a reflété la position de sa cliente : il a posé que le décès est imputable au Frisium, et qu’on ne peut que penser à une agression sexuelle, mais, soulignant l’absence de preuve, il s’est contenté de déclarer simplement ouverte cette possibilité d’agression sexuelle ou de viol. Il laissait donc dans le flou les motifs pouvant conduire Krombach à donner ce médicament fatal à Kalinka qui, aux dires de sa mère elle-même, n’avait jamais besoin de somnifère. Cette position ambiguë revenait à se désolidariser par abstention de l’accusation, en laissant explicitement trancher les jurés.
Les avocats de Diana et Boris Krombach ont essentiellement jeté le doute sur les expertises, affirmant tout simplement qu’on ne peut trouver la vérité dans cette affaire.
La plaidoirie d’A. Bamberski, objet de nos légitimes inquiétudes puisque c’était un acte audacieux pour un lourd enjeu, a été parfaitement claire, maîtrisée, efficace —- pour notre soulagement. Parti de la personnalité manipulatrice de Krombach, il a démonté avec la plus grande rigueur ses faux-fuyants et ses contradictions. Tous les faits rassemblés avec précision ont débouché sur des certitudes. Celle d’un viol sous Frisium, mais aussi celle d’un homicide volontaire : les injections de produits, dits « de réanimation » mais étrangement incompatibles entre eux, relevaient pour A. Bamberski d’une volonté de tuer une Kalinka qui allait revenir en France, et parler de son viol.
Les avocats de la défense aux abois ont tout essayé : menacer les jurés d’une erreur judiciaire, jeter le blâme sur tous les experts français (« l’infâme rapport d’expertise du Dr Pépin » !), jeter le doute sur la santé mentale des personnes se plaignant d’agression sexuelle. Ils ont osé avancer que la victime sous sédatif du viol avoué, était quand même consentante. Ils ont mis en avant l’âge de Krombach qu’on « veut faire crever ! »
L’avocat général J. P. Content a fait une belle plaidoirie commençant par un célèbre poème de Victor Hugo adressé à sa fille morte : « Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne, /Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends… ». Plaidoirie également musclée. Il a stigmatisé les dysfonctionnements de la justice française et surtout de la justice allemande. Estimant juste et noble le combat d’A. Bamberski, il a presque légitimé l’enlèvement de Krombach. Le faux rôle de partie civile joué dans ce procès par Boris et Diana Krombach ? Un « monumental détournement de procédure » ! Son scénario de début de nuit : une administration de Frisium et une agression sexuelle ou un viol, puis, sous l’effet de l’affolement devant l’état alarmant de l’adolescente, des piqûres de réanimation aberrantes, Ce qui implique que, Kalinka morte, Krombach s’est recouché sans rien dire, pour faire au matin un simulacre de découverte et de réanimation. J. P. Content a donc repris les mêmes positions que son homologue de 2011, en demandant à la cour plus de sévérité (15 à 18 ans de détention), vu l’absence de regrets.
Le verdict et ses raisons figurent dans la feuille de motivation reproduite in extenso ci-dessous.
Ce procès que l’avocat général a qualifié d’ « unique, atypique, hors norme », représentait le but ultime des efforts d’A. Bamberski. On peut dire sans tomber dans le culte de la personnalité qu’il s’est tiré avec honneur (mais au prix d’une tension extrême) de la tâche très difficile qu’il s’était assignée. Il est vrai qu’A. Bamberski n’a pas obtenu la reconnaissance d’un homicide volontaire, mais cette reprise en 2012 de l’arrêt de 2011 confère au verdict, pensons-nous, un caractère définitif, irréversible.
D’autre part, en l’absence de preuves formelles d’un viol, la feuille de motivation rédigée par la cour, qui fait état d’une agression sexuelle bien établie, représente une avancée notable par rapport au verdict de 2011. Après l’échec de cet appel injustifié, Krombach, intégralement responsable de la mort de Kalinka, reçoit de nouveau le paiement largement mérité de ses ignobles agissements.
A.J-K
COUR D’ASSISES DU VAL-DE-MARNE FEUILLE DE MOTIVATION
article 365-1 du code de procédure pénale
La cour d’assises a été convaincue que Dieter Krombach a commis les faits de violences volontaires aggravées à LINDAU (Allemagne) sur la personne de Kalinka BAMBERSKI, ayant entraîné la mort sans intention de la donner, en raison des éléments à charge suivants, qui ont été discutés lors des débats et qui ont constitué les principaux éléments à charge exposés au cours des délibérations menées par la cour et le jury, préalablement aux votes sur les questions :
la mort d’une très jeune fille âgée de 14 ans, dans son lit, ressort, en soi, comme éminemment suspecte, dès lors que d’autres explications ont pu être écartées : séquelles d’un accident très ancien, coup de chaleur en l’absence de symptômes, choc anaphylactique, infection bactérienne ;
il ressort des indications des experts que la jeune Kalinka est décédée d’un syndrome dit de Mendelson, constitué par une régurgitation intra-bronchique du bol alimentaire, dû, soit à une situation proche du coma en lien avec l’absorption d’une dose importante de benzodiazépine, soit à une agression dans un contexte de prise plus légère, étant observé que du clobazam, molécule correspondante, a été retrouvé dans les organes de Kalinka ;
la cour observe que ce n’est que près de 8 mois après le décès, dans une situation d’enquête soutenue, que KROMBACH a pour la première fois indiqué que, dans la nuit des faits, il avait donné à Kalinka un comprimé de Frisium, étant observé qu’il a pu depuis préciser que c’était la première fois qu’il agissait ainsi à son égard ;
la dose qu’il a reconnu lui-même avoir administrée a d’ailleurs baissé, puisqu’à l’audience il a parlé d’un demi-comprimé de 10 milligrammes ;
cette observation, rapprochée des conclusions des experts, amène à pencher vers la deuxième situation décrite par eux et donc à un contexte d’agression ;
cette conviction est grandement renforcée lorsqu’il apparaît que les experts ont fait état d’une blessure d’une lèvre vaginale de laquelle du sang a coulé, et donc occasionnée du vivant de Kalinka, en cohérence avec une substance rougeâtre retrouvée sur son sous-vêtement, et contrairement aux affirmations du rapport d’autopsie, étant observé que cette blessure n’a pu être occasionnée dans la journée, en raison du fait que la douleur entraînée aurait nécessairement conduit la jeune fille à en parler à sa mère, puisque d’ailleurs, le soir même, elle lui avait montré son bronzage ;
face à ces éléments, les déclarations tout à fait variables et incohérentes de Dieter KROMBACH durant l’enquête et l’instruction méritent d’être soulignées : pas de mention initiale de la prise de Frisium, pourtant déterminante, ce qu’il ne pouvait ignorer, explications contradictoires sur les circonstances dans lesquelles il avait revu Kalinka durant la nuit, douleurs intestinales nocturnes le concernant, totalement inconnues de son épouse, le fait d’aller réveiller Kalinka le matin du 10 juillet alors qu’il indiquait qu’elle avait eu tellement de mal à s’endormir qu’il lui avait donné un comprimé, pas de massage cardiaque dans ses premières déclarations pour finalement l’indiquer à l’audience, administration de produits de réanimation le matin sur un corps décrit par la mère comme cyanosé d’un côté du visage et présentant des rigidités cadavériques, ces manœuvres étant décrites par les légistes allemands dès le départ comme grotesques et même étranges, pas d’avis à la police alors que le médecin urgentiste intervenu indique que Krombach avait déclaré s’en charger ;
l’ensemble de ces éléments amène la cour à conclure que le décès de Kalinka est intervenu dans un contexte d’agression de la part de Dieter Krombach, entraînant une régurgitation intra-bronchique ayant entraîné son décès, malgré des manœuvres immédiatement réalisées par l’accusé par des produits de réanimation ;
cette conclusion amène à écarter tant l’existence d’une action homicide volontaire qui n’est pas étayée, et donc également celle, proche, d’empoisonnement, ainsi que celle d’homicide involontaire, qui ne rend nullement compte de l’agression que la cour retient pour établie ;
il doit être relevé que Kalinka Bamberski était âgée de moins de 15 ans lorsque ces faits se sont produits et que Dieter Krombach avait autorité sur elle étant le mari de sa mère ;
même si cette observation est superfétatoire par rapport à la conviction ainsi établie de la cour, il n’est pas sans intérêt de relever que Dieter Krombach, outre les mises en cause dont il a pu faire l’objet et non sanctionnées judiciairement, a été condamné en Allemagne pour avoir commis une agression sexuelle sur une de ses patientes qui venait de subir une anesthésie, dans son cabinet médical ;
Fait le 20 décembre 2012
Le premier juré Le président de la cour d’assises (signatures illisibles)